Roman Ondák au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris

Le dialogue entre Roman Ondák et le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris a débuté au moment de la Biennale de Venise de 2009. L’artiste, représentant la Slovaquie, avait conçu une intervention très remarquée, on s’en souvient,  pour le bâtiment de l’ancien pavillon tchécoslovaque : les Giardini se prolongeaient à l’intérieur de l’édifice sans qu’on perçoive le moment où le naturel cédait la place à l’artifice. Non seulement la séparation entre dedans et dehors se trouvait supprimée, mais les visiteurs pouvaient aussi traverser le pavillon sans se rendre compte de ce qu’il y avait à voir.

L’artiste insiste lui-même sur cet aspect de sa démarche : « Il est courant que mes œuvres échappent au regard, ou du moins qu’elles soient mal interprétées. Soit parce que certaines d’entre elles sont à la limite d’être appréhendées en tant qu’œuvres d’art, soit parce que leur potentiel principal, ou leur substance, se trouve au-delà de leur forme. J’extrais des objets, des images ou des situations de leur contexte d’origine, et je les replace dans un espace différent. Ce déplacement est au centre de ma pratique. Donc la tension que l’on perçoit dans les œuvres elles-mêmes, et dans la manière dont elles sont exposées, est un paradoxe voulu, puisque souvent on ne s’attend pas à ce qu’elles nous apparaissent de cette manière-là. »1

Sa proposition pour l’espace de l’ARC procède d’une réflexion qui a probablement commencé à Zurich, lors de la préparation de l’exposition « Enter the Orbit » – réponse de l’artiste à une invitation du Kunsthaus et dont le thème ou motif principal était le Spoutnik et la mythologie qui l’accompagne. Pendant l’été 2011, Roman Ondák est venu à Paris et est demeuré longtemps sur les lieux de l’exposition. Avec le directeur du Musée d’Art moderne, Fabrice Hergott, nos discussions ont tourné autour de très nombreux sujets, comme si, de l’ensemble d’un contexte et de l’imprégnation de sa diversité, devait déboucher une formulation concrète – comme, en chimie, on parle d’un précipité. Comment concevoir, en effet, une exposition dans un musée qui en a accueilli tant d’autres et qui est, depuis la fin des années 1960, l’un des principaux sites de l’art contemporain international ?

Le principe d’une rétrospective pure et simple a été vite écarté. Cependant, l’artiste entendait offrir avec ce projet un panorama de son travail et de ce qui aujourd’hui l’occupe essentiellement. La réponse est dans l’espace même et dans la rencontre du public avec ce dernier. Certaines œuvres, conçues dans un autre contexte, sont ici réactivées – c’est le cas de l’œuvre participative Measuring the Universe (2007) qui vient de la collection du Museum of Modern Art de New York. Le temps de l’exposition sera le temps réel de sa réalisation et sa forme finale dépendra du nombre de visiteurs qui y auront contribué en acceptant de se laisser mesurer.

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L’exposition est une œuvre à part entière, autonome, dont tous les éléments constitutifs ne sont que les pièces d’un vaste puzzle. Comme l’écrit Vivian Rehberg, s’adressant à l’artiste : « Certaines de vos œuvres semblent vouloir saper notre croyance en ce que nous voyons, faire de nous des sceptiques ; mais alors d’autres sont là pour nous encourager à continuer à voir, à faire plus attention à ce qui nous entoure, à observer comment les choses sont interconnectées. »2

François Michaud

conservateur au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris

1. Roman Ondák, entretien avec Eric Mangion, publié lors de l’exposition « Roman Ondák. Shaking Horizon », Villa Arson – Centre national d’art contemporain, Nice, 2010.

2. Vivian Rehberg, lettre à Roman Ondák, 7 janvier 2011, reproduite dans Loop, ouvrage consacré au projet pour le pavillon tchèque et slovaque, 53e Biennale de Venise, 2009, Verlag der Buchhandlung Walther König, Cologne, 2011 : « Some of your works seem to want to undermine our belief in what we see, want to turn us into sceptics; but then others come along and reassure us to persist in looking, to pay closer attention to our surroundings, to notice how things are interrelated. »

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